L’Union internationale de la presse francophone (Upf) vient d’élire Mme Anne Cécile Robert (France), au poste de présidente internationale. Elle me remplace ainsi à cette fonction que j’occupais depuis 2014. Anne Cécile Robert est une brillante journaliste, talentueuse et admirée à travers le monde. Elle occupe les fonctions de Directrice des rédactions du magazine français Le Monde Diplomatique. Anne Cécile est aussi une universitaire bien réputée pour ses travaux. Je ne peux qu’être heureux d’une telle succession, surtout que Anne Cécile Robert m’avait fait la délicatesse de ne présenter sa candidature que si elle obtenait ma bénédiction.
Le leadership féminin consacré à l’Upf
Notre organisation était restée pendant trop longtemps misogyne. Ce n’était sans doute pas une politique délibérée mais la place faite aux femmes au sein des instances dirigeantes de l’Upf était assez faible. En effet, au sortir de nos Assises de 2014, une seule femme, Mme Khadija Ridouane (Maroc), était cooptée comme membre du Bureau international au poste de Secrétaire générale adjointe. Notre amie, Mme Margareta Stroot (Moldavie), m’interpella à la fin de nos travaux, pour dire au nouveau président international, que je venais de devenir, que la seule demande qu’elle lui faisait était de renforcer la présence des femmes au Bureau international et au Comité international. Je promis à Mme Stroot que je travaillerai pour faire instaurer la parité homme/femme au sein du Bureau international, dès le renouvellement suivant de l’instance. Je peux vous dire qu’elle ne croyait pas trop à la promesse !
En 2015, prenant prétexte du thème de nos Assises à Lomé (Togo) portant sur «le rôle et la place des femmes dans les médias», j’annonçais le projet d’instaurer la parité. Le Comité international souscrivit à cette décision et la rendit effective au renouvellement du Bureau international en 2016 à Antsirabe (Madagascar).
Aussi, encouragions-nous les différentes sections nationales à faire leur ce principe. Pour sa part, le Bureau international a systématiquement respecté le principe de la parité à ses différents renouvellements, et de nombreuses consœurs ont pu prendre, avec bonheur, les rênes de sections nationales de l’Upf. Plus de la moitié des sections nationales de l’Upf sont dirigées par des femmes. Les différentes femmes qui ont intégré ces instances ont fait montre de compétence, de sérieux, d’abnégation et ont participé efficacement à la réalisation des objectifs que notre organisation s’est assignés, toutes ces dernières années. Si, au moment de passer le flambeau, j’avais une leçon à transmettre, ce serait que «plus les femmes prendront des responsabilités à l’Upf, plus notre organisation s’en portera mieux !».
C’est donc comme un signe du destin que nos Assises-2022 s’ouvrent ce matin, au Maroc, sur le thème du «leadership des femmes» et un autre signe du destin est donc que l’Upf se voit dirigée par une femme !
Un bilan dont on peut être satisfait
Gratitude, satisfaction, espoir et confiance sont les sentiments qui m’animent en quittant la présidence internationale de l’Upf. Gratitude à l’égard de tous les membres de cette association pour son dynamisme, son caractère inclusif et sa démarche de promouvoir l’essor d’un journalisme libre et responsable, partout dans le monde et en particulier dans les espaces francophones. Vous m’avez investi de votre confiance depuis 2014, régulièrement renouvelée pendant huit bonnes années, pour diriger notre belle et grande organisation qui vient de célébrer ses 72 ans.
Satisfaction de missions accomplies, avec différentes équipes motivées et engagées tant au niveau du Bureau international qu’au niveau du Comité international. Des avancées majeures dans la vie et le fonctionnement de notre organisation et surtout quant à son rayonnement, peuvent être mesurées. L’élan du renouveau a pu être impulsé avec succès. L’Upf s’est ainsi révélée une bonne école de vie, de management et de convivialité. Nous avons appris tous, les uns des autres !
J’ai espoir que l’Upf est une organisation qui compte et qui aidera à accompagner les changements dynamiques que connaîtra le journalisme, afin de consolider du mieux les démocraties. Dans un monde en proie à diverses crises, l’Upf, en synergie avec les autres organisations faîtières des médias, sait se montrer résiliente et capable de défendre les droits et libertés des journalistes. Notre rôle est plus qu’essentiel dans toute démocratie, aujourd’hui plus que jamais. Notre sacerdoce est de continuer à œuvrer pour la promotion de la paix et l’engagement pour les valeurs de démocratie, de liberté de presse et d’opinion. Notre organisation grandit, jour après jour. Ce n’est pas en si bon chemin que nous nous arrêterons.
Je quitte une belle expérience professionnelle et humaine dont je chérirai les leçons plus d’une vie. Si j’ai réussi ma mission à la tête de l’Upf, je dois dire que je le dois beaucoup aux conseils d’un regretté aîné, Jacques Diouf, ancien Directeur général de la Fao. Jacques, qui avait dirigé avec efficacité la plus grande organisation du système des Nations unies, m’avait en estime et en amitié et avait tenu à me prodiguer ses conseils pour me fixer des bornes. Je m’étais évertué à m’y tenir !
J’ai foi que l’organisation ne cessera de toiser les sommets. C’est aussi ce sentiment de confiance qui me remplit d’aise. Nous comptons en notre sein des compétences avérées et des talents de femmes et d’hommes qui sauront faire franchir à l’Upf de nouveaux caps ; des défis qui n’ont pas eu raison de notre volonté et de nos capacités, mais aussi des défis nouveaux dans un monde en mutation. La nouvelle équipe qui est mise en place, à l’issue de notre Assemblée générale du 24 juillet 2022 au Maroc, saura compter sur tout mon soutien.
Notre groupe s’est encore élargi cette année. Nous accueillons de nouveaux membres représentant l’Italie, la Macédoine du Nord et la Géorgie. Depuis 2014 à Dakar, notre organisation a fait de la transparence son credo. Transparence dans la gestion, dans l’organisation et dans la communication. Les dirigeants au Bureau international de l’Upf, travaillent sans répit au rétablissement de la confiance auprès de nos partenaires. Leurs efforts avaient été rendus difficiles sinon vains par l’image souvent négative que certains de ces partenaires avaient pu se faire de notre organisation. Or, rétablir la confiance des partenaires demandait de rompre avec certaines habitudes et d’exiger le même niveau de rigueur de toutes nos sections nationales.
L’heure est à la rationalisation de notre gestion
Notre association n’a pas d’activités génératrices de revenus. Elle vit avant tout des subventions de partenaires qui se montrent exigeants quant à l’attribution de ressources financières. Seule une organisation forte de son action, du nombre et de la qualité de ses membres est attractive à leurs yeux. Notre responsabilité est de travailler à hisser l’Upf à un niveau d’exigence et de qualité qui la rende crédible et fréquentable. L’objectif est que tous se mettent au diapason et produisent des idées et de l’action. L’avenir exige de nous plus de compétitivité si nous voulons continuer d’exister.
L’Upf internationale a connu des périodes de faste et des périodes de vaches maigres. Lorsque nous avons été élus en 2014, l’Upf était au plus mal. Notre équipe a travaillé à lui insuffler une nouvelle dynamique et nous avons inscrit les exigences de rigueur, de transparence et de démocratie dans son Adn. Dans son fonctionnement, l’Upf a instauré le vote au bulletin secret pour le choix de ses dirigeants. Nous avons pu, grâce à un travail collectif et volontaire, l’installer sur une voie dont elle ne devrait plus dérailler. Il faut dire les choses, en arrivant à la tête de l’Upf, nous avions trouvé une organisation exsangue qui accumulait les dettes et des arriérés de salaires de son personnel. Grâce à un travail collectif et des initiatives heureuses, la confiance restaurée a permis d’engranger des ressources pour éponger toutes nos ardoises et même constituer un matelas financier, jusqu’à procéder à des placements financiers. Cette embellie nous a permis de traverser la période de pandémie mondiale du Covid-19. Je pars en laissant l’Upf avec des ressources lui permettant de vivre sur fonds propres pendant au moins un exercice.
Les deux années de pandémie que nous venons de vivre, ont freiné l’élan qui avait été donné. Un travail fructueux a abouti à l’installation d’une collaboration soutenue avec l’Unesco. Après la production d’un guide sur la couverture médiatique des sujets de migration, l’Unesco a financé des formations sur le même thème au profit des membres de quatre de nos sections nationales (Maroc, Tunisie, Niger et Liban). Il est important de souligner que ces formations se sont déroulées en pleine période de pandémie et que les équipes des 4 sections ont été totalement impliquées dans la conduite des projets.
D’autres projets sont dans les tuyaux et la collaboration avec l’Unesco, nous l’espérons bien, est ainsi inscrite dans la durée.
Un travail de plaidoyer et de négociation suivie a également été entretenu avec le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères, qui a fini par donner ses fruits puisque la France compte parmi les sponsors de la présente édition de nos Assises. Pour rappel, le ministère français des Affaires étrangères fait partie des partenaires historiques de l’Upf, mais ce partenariat avait été suspendu depuis plusieurs années. Le même travail de négociation patiente et persuasive est entrepris avec l’Organisation internationale de la Francophonie qui vient d’accréditer officiellement l’Upf parmi ses associations partenaires.
Depuis novembre 2019, date de nos dernières Assises, trois années se sont écoulées, durant lesquelles l’Upf a relevé le défi de se régénérer dans l’adversité. De nouveaux membres nous ont rejoints et des sections nouvelles ont été créées avec entrain. La nouvelle section en Italie, travaillera en étroite collaboration avec la section valdôtaine, son aînée de plusieurs années, à organiser un symposium dans la ville de Bari. Avec le soutien du Secrétariat général de l’Upf, qui travaille comme facilitateur, des partenariats sont conclus pour réussir ce rendez-vous au mois d’octobre prochain.
Feuille de route
L’Upf internationale a réussi, malgré la situation difficile en 2020 et 2021, et grâce à la ténacité de ses équipes, à obtenir l’organisation de ses 49es Assises au Maroc. C’est également au Maroc, en 2010, sous la conduite de notre ami Abdelmouneim Dilami, que l’Upf a pu amorcer un travail de refondation qui a ouvert la voie au renouveau signé à Dakar en 2014. Est-ce un autre signe du destin ?
La voie est ainsi tracée. L’Upf internationale n’a d’autre choix que de se rénover pour repartir d’un nouvel élan. Si notre organisation a entrepris un travail de restructuration et d’assainissement dans sa propre gestion, ce travail doit s’élargir à toutes ses sections nationales. C’est par ailleurs une Upf inventive qui pourrait réussir à se développer dans un contexte où les subventions institutionnelles se raréfient. L’Upf doit délimiter avec précision son champ d’action pour se démarquer. Je laisse le soin à la nouvelle équipe de choisir sa propre feuille de route.