Avant-hier, l’avocat du Maire socialiste Me Khoureychi Ba a annoncé sur sa page Facebook, la convocation de Barthélémy Dias le 10 Novembre 2021 dans le cadre de l’affaire Ndiaga Diouf. Il s’agirait d’un appel fait par le concerné.
Depuis toujours, les tenants du pouvoir sont préoccupés par la montée en puissance de Barthélémy Dias dans les sondages à Dakar. Dias fils arrive en seconde position derrière Khalifa Sall dans les sondages commandités par le Palais. Aujourd’hui, comment anesthésier la conscience des Dakarois pour qu’ils acceptent d’avaler la pilule, que cette convocation du Maire de Mermoz n’a rien de politique ? Surtout lorsqu’on apprend que cette convocation a été rappelée au lendemain de son investiture comme tête de liste à la Mairie de Dakar. C’est le contexte qui détermine les faits et sécrète les suspicions dans cette affaire. Or, les tenants du pouvoir, devraient avoir l’intelligence de la situation en évitant de poser des actes qui laissent apparaître, une volonté d’éliminer un adversaire. Le pouvoir a tous les pouvoirs, même celui de reporter une audience au tribunal. Nous disons bien reporter, pas annuler.
Il s’agit d’une grosse erreur politico judiciaire car, en acteur politique averti, Barthélémy Dias va utiliser tous les leviers politiques pour ne pas tomber dans le piège de ses adversaires. Déjà, il a gagné la bataille de l’opinion dans la mesure où même des partisans du pouvoir ont estimé que la justice est en train d’être utilisée contre un opposant. C’était le même constat dans les affaires Karim Wade, Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Bougane Guèye Dany.
Elu à la Mairie de Dakar, qui pourrait empêcher Dias fils de briguer le suffrage des Sénégalais en 2024 ? Et, l’Exécutif a bien compris qu’il est plus facile de poursuivre un candidat à la Mairie de la capitale qu’un Maire de Dakar élu en 2022 et candidat à la présidentielle. D’ores et déjà, il est facile de comprendre, pourquoi Barthélémy n’a pas voulu laisser sa sœur Soham Wardini passer.
Dans un Etat de droit, une justice crédible, ne doit pas être au service du pouvoir exécutif. En plus, les juges qui appliquent les commandes des politiques, doivent toujours se rappeler le sort réservé au procureur de la CREI Alioune NDAO limogé en pleine audience avec un «SMS».
En effet, certains actes laissent croire que le pouvoir judiciaire est un bras armé du pouvoir exécutif. Et, au-delà de la justice, c’est toute l’Administration qui est mise en contribution, pour écraser certains opposants gênants. Or, cela est inadmissible dans un Etat de droit.
Un opposant comme Malick Gackou et l’ancien candidat à la présidentielle Pierre Goudiaby Atépa ont reçu des lettres de redressement des impôts de plusieurs milliards francs CFA. Ils souffrent en silence. Qu’est-ce qui peut justifier cela ? Les opérateurs économiques proches du pouvoir paient-ils leurs impôts ? La CENTIF qui serait sur une piste prometteuse contre un député de l’Apr a-t-elle été stoppée dans ses enquêtes ? L’Ofnac a-t-il été freiné dans une autre procédure concernant un cacique du pouvoir ? L’impunité dont jouissent certains apparatchiks du pouvoir, est un secret de Polichinelle.
Toujours à propos de l’Administration sénégalaise, comment comprendre la mise à l’écart dans ces élections, par des Préfets, des opposants comme Ahmet Fall Braya candidat de «Gueum Sa Bop» à Saint Louis, Bougane Gueye candidat de la même coalition à Dakar ? Même la liste de Yewwi Askan Wi à Saint Louis a été invalidée. Alors qu’ils ont juste besoin de complément de dossier. A Saint Louis, l’Administration est mise à contribution pour baliser le chemin de la victoire à Mansour Faye beau-frère du Chef de l’Etat. Des pratiques intolérables dans une démocratique où l’égalité des citoyens devant la loi doit être de rigueur.
Revenant sur l’affaire Dias fils, disons que même si l’audience d’appel devrait se tenir le 10 Novembre 2021, comme annoncé depuis le mois de Juillet 2021, pour des raisons d’Etat et d’opportunité, elle devrait être reportée sans effet sur la procédure. Car, le contexte politique ne s’y prête pas.
Dans le dernier communiqué du conseil des Ministres, le président de la République avait appelé à la sérénité en cette veille de campagne électorale. Mais, cette décision prise par le juge en charge de l’affaire Barthélémy Dias ne milite pas à l’apaisement du climat politique. Nul ne demande l’annulation de la procédure ou le blanchiment de Dias fils. Mais, il s’agit d’aller dans le sens d’apaiser l’espace politique, le temps de traverser cette période électorale très sensible à tout point de vue.
A l’instar de l’affaire des centres de redressement de Serigne Modou Kara, ce dossier de Barthélémy Dias devrait être classé parmi «les dossiers signalés». Afin d’éviter de créer des suspicions inutiles, n’est-il pas plus judicieux de renvoyer l’affaire au mois de Février 2022 ? La justice doit être dite dans la sérénité, or depuis quelques temps, le climat socio politique du pays est agité. Le Sénégal est traversé par des courants de contestations politiques (Opposition/Pouvoir), religieuses (Soufi/Salafiste) et sociales (souffrances des populations).
Rappelons que, lorsqu’il a été arrêté sous le régime libéral, c’est Macky Sall, qui avait pris la décision de l’élargir et de l’investir sur la liste de Benno Bokk Yakaar en 2012. Barthélémy Dias malgré les poursuites judiciaires, a été élu député. C’est lorsqu’il avait commencé à s’opposer au pouvoir, que son dossier a été dépoussiéré et remis dans le circuit. Ces pratiques de favoritisme doivent être combattues dans un Etat de droit qui se respecte. Et tous les Sénégalais soucieux du respect des droits humains et de l’égalité des citoyens, doivent refuser de voir le Sénégal sombrer dans ces travers.
Aujourd’hui, le président Macky Sall et les juges qui avaient libéré Barthélémy Dias, doivent des explications aux Sénégalais. Quelles ont été leurs motivations ? La justice qui avait condamné Barthélémy sous Wade, est-elle différente de cette justice qui l’avait élargi en 2012 ou de celle qui l’a convoqué le 10 Novembre 2021? Un bon juge ne doit pas décider selon la tête du prévenu ou selon son appartenance politique.
Un pays sans justice crédible perd toute sa crédibilité devant ses citoyens et aux yeux des investisseurs étrangers. Voilà pourquoi, il est difficile de convaincre les Sénégalais sur la culpabilité de Karim Wade, de Khalifa Sall et d’Ousmane Sonko. Car, le Sénégal souffre de cette justice à sens unique domestiquée.
A moins de deux mois des élections locales, il sera difficile de faire accepter aux Sénégalais la pertinence d’une mise à l’écart de Barthélémy Dias par la voix judiciaire. Le président Macky Sall est mal entouré car il devrait être le premier à intervenir pour éviter d’être caricaturé par l’opinion nationale et internationale comme un broyeur d’opposants. Ses collaborateurs, notamment le Ministre de la Justice devraient lui éviter tous ces fronts politiques.
Le Sénégal qui a souffert de la covid-19, a besoin de stabilité politique et de cohésion sociale. Déjà, la confiance est devenue une denrée rare dans les relations entre les acteurs politiques à cause de l’utilisation à outrance de la justice et de l’Administration pour neutraliser des opposants.
Le président Macky Sall devrait jouer balle à terre en remettant Karim Wade et Khalifa Sall dans leurs droits mais également en stoppant toutes ces procédures judiciaires qui visent des opposants à son régime. Parce que la majeure partie des Sénégalais doute de leur culpabilité. Certains parlent de complot politique. Cette affaire Barthélémy Dias vient encore confirmer cette appréhension collective à cause du contexte actuel.
Que Dias fils soit coupable ou non, ce n’est pas le bon moment pour soulever son dossier, selon le commun mortel des Sénégalais. Pour des raisons d’Etat, le dossier des centres de redressement de Serigne Modou Kara dans lequel on parlait de 16 morts, a été étouffé. Pour les mêmes raisons, les poursuites et les condamnations de l’ensemble de ces opposants accusés sans preuve suffisante, doivent être annulées.
Ne négligez pas la force de réplique de Barthélémy Dias, dans la mesure où, dans ce contexte politico social, il ne va jamais accepter d’être guillotiné par ses adversaires. Le Sénégal tangue sur des fragilités.
Le Sénégalais lambda, retiendra que, c’est avant la présidentielle de 2019 que Karim Wade a été condamné et éliminé de la course. Ensuite à la veille des Législatives de 2017, Khalifa Sall a été condamné et écarté des élections. A l’approche des élections locales, Ousmane Sonko, Bougane Gueye Dani (écarté de la course) et Barthélémy Dias sont visés. DakarTimes a été victime de cette même injustice alors qu’il avait le droit avec lui. Alors, tous ensemble pour la défense de l’Etat de droit.
Mamadou Mouth BANE