La Task Force de la CEDEAO (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest), dirigée par son président, Dr. Mohamed Ibn Chambas, a récemment effectué une mission de deux jours au Sénégal pour évaluer l’état de mise en œuvre du Transit Routier Inter-États (TRIE), un projet stratégique visant à faciliter la libre circulation des biens et des personnes au sein de la région ouest-africaine. Lors de cette visite, des discussions ont été menées avec différents acteurs économiques, dont la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Dakar (CCIAD), des transporteurs, transitaires, ainsi que des entreprises maliennes opérant sur le territoire sénégalais. Ces échanges ont permis d’identifier les obstacles et de réfléchir à des solutions pour dynamiser le commerce intra-régional.
Le TRIE est une initiative de la CEDEAO mise en place pour faciliter le commerce au sein de la région en réduisant les obstacles douaniers et les délais de transit sur les corridors terrestres. Ce système a pour objectif de permettre aux marchandises de circuler librement entre les pays membres sans être soumises à des formalités douanières complexes à chaque frontière. Cela inclut la réduction des coûts liés au transport, la suppression des barrières non tarifaires, et la simplification des procédures administratives.
Dans la théorie, le TRIE permettrait une circulation plus rapide et moins coûteuse des biens, favorisant ainsi une économie régionale plus intégrée. Cependant, la mise en œuvre de ce système a été marquée par des défis importants, notamment en raison de divergences dans l’application des normes entre les différents États membres de la CEDEAO.
Malgré les ambitions de la CEDEAO, les résultats du TRIE sont inégaux d’un pays à l’autre. Au Mali, le système a été rendu obligatoire, ce qui a permis de renforcer son efficacité et sa couverture. Cependant, au Sénégal, le TRIE demeure optionnel, ce qui crée une incohérence dans l’application des règles régionales. En conséquence, les entreprises sénégalaises et les opérateurs économiques se retrouvent dans une situation d’incertitude. Certaines continuent d’utiliser des régimes douaniers comme le S110, qui compliquent les démarches administratives et augmentent les coûts pour les entreprises locales.
M. Abdoulaye Sow, président de la CCIAD, a souligné que, malgré des initiatives bilatérales telles que la conférence transfrontalière de Kayes en 2011, le TRIE n’a pas encore été pleinement opérationnalisé au Sénégal. Cette situation crée des tensions entre le Sénégal et le Mali, deux pays voisins qui échangent massivement, et limite le potentiel de croissance économique pour les deux nations. L’absence de mécanismes harmonisés entrave ainsi la fluidité des échanges et nuit à l’attractivité de la région.
Une autre difficulté majeure dans la mise en œuvre du TRIE réside dans la réforme introduite par l’Acte Additionnel A/SA.2/12/21 adopté en décembre 2021. Cet acte a remplacé la Convention TRIE/CEDEAO de 1982, qui régissait jusque-là les modalités de transit routier entre les pays membres. La nouvelle réforme a instauré un système de Transit Communautaire, qui a engendré de nouvelles complications pour les acteurs économiques, notamment la multiplication des blocages de marchandises au Port Autonome de Dakar, l’un des principaux points d’entrée et de sortie des marchandises pour la région.
Selon les autorités douanières sénégalaises, une solution temporaire pourrait consister à recourir au transit ordinaire, un processus plus lent et plus coûteux. Cette démarche marquerait une régression pour le TRIE et augmenterait les coûts de transport, ce qui compromettrait davantage la compétitivité des entreprises locales. L’introduction de cette réforme, loin de simplifier les échanges commerciaux, a alourdi les procédures et créé de l’incertitude parmi les acteurs économiques régionaux.
L’efficacité du TRIE et des réformes liées au transit routier ont un impact direct sur la compétitivité des économies ouest-africaines. Le commerce intra-régional représente une part importante du produit intérieur brut (PIB) de nombreux pays de la CEDEAO. L’introduction de mécanismes qui réduisent les coûts logistiques et accélèrent la circulation des marchandises serait bénéfique pour les entreprises, tout en renforçant la résilience économique de la région face aux fluctuations des marchés mondiaux.
En revanche, les obstacles administratifs, les divergences dans les politiques douanières et l’inefficacité des infrastructures de transit nuisent gravement à la compétitivité des entreprises africaines. Les coûts élevés du transport, associés aux délais de transit prolongés, augmentent le prix des produits sur les marchés régionaux et internationaux, ce qui pénalise les consommateurs et freine le développement des chaînes de valeur locales.
Un système de transit harmonisé serait un atout majeur pour l’Afrique de l’Ouest. Il permettrait de renforcer l’intégration économique régionale, d’améliorer la compétitivité des entreprises locales et d’attirer des investissements étrangers. Toutefois, pour que ce système fonctionne efficacement, il est crucial que les pays de la CEDEAO se coordonnent et adoptent des règles communes pour garantir la fluidité des échanges commerciaux.
Face à ces défis, M. Abdoulaye Sow a lancé un appel à la collaboration entre les pouvoirs publics, les institutions régionales et les acteurs du secteur privé pour surmonter les obstacles qui freinent la mise en œuvre du TRIE. Selon lui, il est urgent de trouver des solutions durables pour faciliter la circulation des biens et des services au sein de la région.
“Nous comptons sur la collaboration des pouvoirs publics, des institutions régionales et des acteurs du secteur privé pour résoudre ces problèmes et dynamiser notre économie,” a-t-il déclaré lors de la mission.
Pour répondre à ces défis, une action collective et une volonté politique forte sont nécessaires. Il est essentiel que les pays de la CEDEAO surmontent leurs divergences administratives et trouvent des solutions communes pour faire fonctionner pleinement le TRIE. Cela pourrait inclure la création de mécanismes de gestion régionale plus efficaces, la simplification des procédures douanières, et la réduction des coûts de transport.