LEÇON SUR LE MANDAT: DERNIÈRE RÉVISION POUR LE PRÉSIDENT MACKY SALL

Un dernier éclairage sur la question du mandat…et des leçons pour l’avenir.

Le président Sall a encore raté sa révision en nous affirmant qu’il a droit à un autre mandat. Alors qu’il s’apprête à passer le grand oral devant la nation, il faut l’aider à mieux réviser. Nous lui disons que pour trancher la question, voici l’algorithme du conseil constitutionnel : le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance. C’est une simple règle qui peut être traduite en algorithme, en logique et en mathématique.

En langage simple, on n’enlève pas un avantage à une situation déjà existante à moins que la loi le dise par des dispositions transitoires qui ne menacent pas la stabilité et la sécurité des institutions, objectif à valeur constitutionnelle que le conseil veut vaille que vaille respecter.

Quelle valeur accorde le conseil constitutionnel à ce principe ?

En 2012, le conseil constitutionnel a démontré son attachement viscéral à ce principe, en écartant les dispositions transitoires de l’article 103 de la constitution pourtant précisées pour accorder un septennat à Wade avant que le quinquennat ne lui soit applicable en 2007. En 2016 lorsque le président a voulu appliquer la nouvelle durée du mandat fixée à 5 ans à son propre mandat en cours, en l’inscrivant dans la constitution, le conseil a rejeté cette disposition transitoire. C’est donc dire que le conseil constitutionnel tient bien à ce principe.

Apprécions la mise en pratique de ce conseil en 2012 et 2016 sur la question du mandat :

En 2012, pour juger si Wade avait atteint la limitation maximale de 2 mandats, le conseil s’est demandé si cette limitation était un droit connu à son accession au pouvoir pour être appliqué à son premier mandat. La réponse était non, puisque la limitation des mandats a été adoptée en 2001. Il eut fallu que ce droit existât avant 2000 pour s’appliquer au premier mandat de Wade. Le conseil a donc écarté le premier mandat du décompte.

En 2016, lorsque le président de la République a voulu réduire son mandat de 7 à 5 ans, le conseil constitutionnel a usé du même principe en se demandant d’abord si le nouveau droit (la limitation de la durée du mandat à 5 ans) était un droit connu au moment de l’accession de Macky Sall à la présidence en 2012. La réponse était non. Par conséquent, ce nouveau droit ne pouvait être appliqué sur son premier mandat. C’est pour cela que le conseil a dit que ce mandat était hors de portée de la nouvelle loi. Cela signifie simplement que la nouvelle loi ne pouvait ni réduire ni augmenter sa durée, mais pas que le mandat ne serait pas comptabilisé dans le total de mandats qui seront accomplis par le président Macky Sall, de 2012 à 2024 pour la simple raison que la limitation du nombre de mandats est un droit connu depuis 2001 et qui s’applique donc à Macky Sall.

Il faut donc retenir que le conseil constitutionnel n’a pas varié dans l’application de sa règle. Il est resté constant, cohérent et consistant dans l’application d’un principe de droit essentiel pour la sauvegarde de la sécurité juridique et la stabilité des institutions. Ce principe restera applicable pour dire si le président Macky Sall peut se présenter en 2024. En effet, en 2024, le conseil, face à une éventuelle candidature Macky Sall, se posera encore la question de savoir si la limitation des mandats à 2 était un droit connu lorsque le président Macky Sall accédait à la présidence en 2012. Sa réponse sera oui. Il en déduira que ce droit lui est applicable parce que connu à sa prise de pouvoir. Algorithmique, mathématique comme un informaticien pourrait le programmer facilement. Des lors, si ce droit lui est applicable, ses 2 mandats seront comptés pour lui appliquer la limitation à 2. Pour cela, le conseil ne fera pas la différence entre un mandat de 7 ans et un autre de 5 ans.

La durée d’un mandat, quinquennat ou septennat, ne change point que ce soit un mandat. Un mandat de 7 ans, suivi par un autre de 5 ans constituent bien deux mandats consécutifs. Le conseil constitutionnel n’a aucune raison de différencier là où la loi ne différencie pas.

Cette question réglée par simple logique et la consistance du conseil constitutionnel à l’appliquer, il faut aussi penser à quelques pistes de solutions pour éviter ce probleme récurrent.

A ce titre, l’instabilité sur le mandat doit aussi être freinée en agissant sur d’autres mécanismes :

· La prise de parole responsable du conseil constitutionnel. Le conseil constitutionnel doit pouvoir parler lorsque le pays court un danger du fait d’une confusion sur la constitution. Les sages vivent parmi nous. Ils sont capables de produire un texte de clarification après avoir reconnu les dangers d’une confusion qui menace la stabilité du pays et notre paix civile. Puisque les citoyens ne peuvent les saisir, il faut qu’ils puissent le faire dans des circonstances dont les modalités seront fixées par la loi organique qui régit le fonctionnement du conseil constitutionnel. Que le président puisse le solliciter pour un éclairage le sert surtout lui, dans certaines décisions. Il faut donner une certaine responsabilité au conseil de jouer un rôle dans la stabilité. Faut-il rappeler que le président de la République n’est pas le gardien de la constitution comme on le dit. C’est bien le conseil constitutionnel et non le président.

· La reconnaissance de la parole donnée du chef de l’Etat. Lorsqu’un président s’engage devant le parlement sur une question qui a une portée sur ses engagements et devoirs constitutionnels, notamment sur son mandat, ou lors d’une adresse à la nation, ou lors d’une instance officielle, sa parole sur sa volonté de démissionner, de se représenter, ou ne de ne pas se représenter à une date donnée doit être un acte officiel dont le conseil constitutionnel doit se saisir pour le constater légalement. Le président sera tenu de le confirmer par un serment devant le conseil pour le rendre clos, définitif dans les 30 jours suivants. L’engagement du président de la République, dans ce format, sera ainsi utilisé comme une parole de droit qui s’impose devant toute autre considération de droit. La parole donnée constitue dans notre société un engagement fort que nous devons introduire progressivement comme source dans notre pratique constitutionnelle.

· Enfin, il faut introduire le principe de la haute trahison qui sera portée contre tout président de la République qui tente de forcer une candidature sans droit, ainsi que contre tout juge du conseil constitutionnel et autorité publique qui l’aideront à asseoir une thèse et des manipulations visant à créer une confusion des citoyens, au risque de déstabiliser le pays pour assouvir ses ambitions personnelles de pouvoir. L’absence de sanction est totale lorsqu’un président fait un forcing de candidature. Cela doit changer. On ne peut mettre en péril toute une nation, par pur jeu politique parce que finalement rien ne vous arrivera sinon un rejet de votre candidature.

Amadou Gueye, président de l’UNIS

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