“Rimbax” de Thio Mbaye, “Bine-Bine” de Coumba Gawlo Seck, “Thiouk Na” de Fou Malade, “Rof Ko Guéné” de Dakar All Stars. Il fut un temps où les musiciens sénégalais pouvaient jouir assez tranquillement d’une qualité fondamentale pour l’artiste, la liberté, sans pour autant vivre sous l’épée de Damoclès du tribunal correctionnel et de la furie persécutrice des activistes.
Ce temps béni est révolu. Cheikh Oumar Diagne, l’ineffable Abdou Karim Xrum Xah et Abdou Mboup ont décidé d’en finir avec la légèreté sénégalaise, cette légèreté si consubstantielle de notre mode de vie. Ces gens, pourtant, ont l’outrecuidance de se déclarer patriotes. En effet, outre leurs délires puritains, ils se sont faits chantres du patriotisme, de la souveraineté nationale et sont à l’avant-garde de la haine puérile et truffée de manipulations contre la France. Mais de quel patriotisme se réclament-ils ? Celles de de Senghor, Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Aline Sitoe Diatta, Lat Dior, le Buur Sine Coumba Ndoffène ? Ou celles de l’Ayatollah Khomeiny, Oussama Ben Laden, ou Amadou Kouffa ? Je n’entends rien dans leurs discours qui évoquent le Sénégal, ses terroirs, ses traditions, ses valeurs négro-africaines. Tous leurs combats flirtent avec un conservatisme rabougri, et, disons-le, le fondamentalisme arabo-musulman. Qu’ils s’assument : “Boko haram” (casser ce qu’il croit être l’éducation occidentale, comme si la liberté est blanche) serait un slogan parfait pour eux. Leur modèle, qu’ils n’avouent jamais, c’est l’Afghanistan des Talibans : au sulfureux pagne sénégalais, ils veulent substituer, le tchador ou la burka.
Et les artistes sont les premières cibles de cette révolution conservatrice arabo-islamiste. Ça avait commencé avec Déesse Major, la meute est désormais aux trousses de Jeeba et d’un humoriste.
Dopés par la faiblesse d’un État tétanisé à l’idée d’engager un combat d’idées et par le silence, la complaisance voire la complicité de l’opposition, ces gens, si l’on n’y prend garde, vont faire du Sénégal une forteresse conservatrice, repliée sur elle-même et sur des “valeurs” tellement étriquées qu’elles mineront le vivre-ensemble. On en viendra même à bannir le “taama”, le bon vieux “sabar” des rues. Dans l’univers Jamra, Rassemblement pour la vérité, Comité de défense des valeurs morales et Nitteu Dëg, même Doudou Ndiaye Rose n’échappera pas à la politique de la table rase et les tam-tams, certainement, ne résonneront dans nos villes et terroirs.
Un mot, enfin, à l’endroit des jeunes : si vous voulez réellement avoir une idée des vraies bonnes valeurs sénégalaises, ignorez Cheikh Oumar Diagne ou Karim Xrum Xax, optez pour Massamba LBA Gueye, qui a nos cultures et nos traditions chevillées au corps. Le tout dans la légèreté, l’humour et un conservatisme éclairé.