Sonko ou le monstre de Frankenstein (par Madiambale Diagne)

C’est comme si de nombreuses voix importantes des médias, de la Société civile et de l’opposition politique, sortent subitement d’un long sommeil, aux semblants d’un coma éthylique, pour enfin découvrir le véritable visage du leader de la formation politique Pastef. Ou bien que ces personnes soient rattrapées par le phénomène du retour brusque d’un déni d’une réalité qui, selon des réminiscences de quelques lectures freudiennes, est l’attitude consistant à refuser de voir les choses telles qu’elles sont réellement. Cela peut avoir une raison d’ordre idéologique, si cette réalité va à l’encontre de ses propres opinions. La nouveauté est que Ousmane Sonko trouve de moins en moins grâce dans les espaces publics. Désormais ses attitudes, frasques et autres déclarations font plus qu’émouvoir, elles indignent jusque dans les milieux qui lui passaient toutes ses incartades ou grossièretés, qui l’excusaient de tout en un mot.
Ousmane Sonko avait pu constituer un parfait client pour tout ce beau monde. Il était un gros épouvantail dressé face au régime du Président Macky Sall. Les opposants trouvaient en lui la personne qui pouvait tout dire sans scrupules, comme mentir, calomnier, affabuler et ainsi susciter l’aversion des populations et les braquer contre Macky Sall. La fin justifiant les moyens. La Société civile, dans une posture de rentière des tensions ou des crises, pour reprendre l’expression de Yoro Dia, trouvait en Ousmane Sonko le bon pyromane pour entretenir, alimenter les tensions politiques et ainsi justifier l’intervention de secouristes pour sauver un Sénégal en péril. Les médias trouvaient en Ousmane Sonko leur meilleur client car ses déclarations tonitruantes, en veux-tu en voilà, font régulièrement les choux gras. Alors découvrent-ils tous que leur créature a pris de l’envergure et qu’elle s’est révélée effrayante ? On réalise en effet, au lendemain des élections législatives du 31 juillet 2022, que ce nouveau monstre est aux portes du pouvoir et la panique semble s’installer ! C’est en quelque sorte l’allégorie du Monstre de Frankenstein ! Dans une fiction de la romancière anglaise, Mary Shelley (1818), le Dr Victor Frankenstein avait fabriqué un être, dans le langage moderne on dirait un humanoïde, à partir de différents membres de cadavres. Une fois son œuvre terminée, il découvrit la laideur et le caractère hideux de sa créature qui l’effraya. Il l’abandonna et s’enfuit. La créature entra dans une phase de révolte et sombra dans une folie meurtrière pour attaquer et tuer son créateur qui ne l’acceptait plus, la reniait et contre la société tout entière qui la rejetait. «La morale de cette histoire est que nous engendrons souvent nous-mêmes les monstres qui nous hantent (…) Toute proportion gardée, des monstres de Frankenstein, la société en façonne tous les jours.» Mais le phénomène Ousmane Sonko aura aussi l’avantage d’être un pertinent révélateur des parjures, des reniements, de l’hypocrisie et des lâchetés des médias, de la Société civile et de la classe politique.

Qu’est-ce que les journalistes croient découvrir enfin sur Ousmane Sonko ?
Les médias s’offusquent que Ousmane Sonko les insulte, les méprise et les prend pour des moins que rien. Franchement qu’est-ce qu’il y a de nouveau sous notre soleil ? Ousmane Sonko a toujours traité de corrompus tous les journalistes qui écrivaient ou disaient des choses qui n’étaient pas conformes à sa propre vision. Déjà, avant d’entrer en politique, en 2014, il insultait les journalistes qui évoquaient les opérations de prévarications foncières menées par l’ancien directeur du Cadastre, Tahibou Ndiaye, arrêté et finalement reconnu coupable par la Justice. Les médias avaient fini par découvrir les fortes accointances et collusions entre Ousmane Sonko et Tahibou Ndiaye. En 2017, Ousmane Sonko déversait sa bile sur les médias qui relevaient les incohérences, l’absence de preuves et le manque de rigueur de son livre «Pétrole et gaz, chronique d’une spoliation». Il n’hésitait pas à porter de fausses accusations contre les journalistes et les désignait à la vindicte de ses militants. Il triait au volet les journalistes admis à ses rencontres avec les médias. En 2019, il a fait interrompre la publication des résultats de l’élection présidentielle par les radios et télévisions qui diffusaient des résultats défavorables à l’opposition. Des hordes de militants qu’il avait chauffés à blanc avaient attaqué des maisons de presse et brutalisé des journalistes. Ils ont récidivé en mars 2021 pour empêcher les médias d’évoquer les accusations de viols et sévices sexuels portés par la dame Adji Sarr contre leur leader, faits qui seraient commis dans le lupanar de «Sweet beauty» où il avait ses habitudes et aises. Les médias ont été d’une prudence incompréhensible dans cette affaire et ont même épousé, les yeux fermés, la thèse du complot brandie par Ousmane Sonko et ses proches. On a même pu lire dans certaines colonnes des papiers dithyrambiques lui taillant, qui un manteau de héros, qui une posture d’immaculé qui pouvait jeter la première pierre à Marie Madeleine. D’ailleurs, depuis l’éclatement de cette affaire en février 2021, jamais Ousmane Sonko n’a accepté une quelconque interview avec un média sénégalais. Les quelques entretiens qu’il a accordés l’ont été à des médias étrangers pour ne se limiter qu’à parler de son parcours politique et jeter l’opprobre sur le régime de Macky Sall. Il n’existe pas une rédaction au Sénégal qui n’ait pas essuyé de la part de Ousmane Sonko, un refus d’une demande d’interview. L’homme organise à sa guise ses sorties médiatiques sous forme de déclarations, sans aucune possibilité pour les journalistes de lui poser la moindre question. Ainsi, ces médias restent de simples caisses de résonnance de ses diatribes. Il reste que chacun peut être maître de son mode de communication mais les médias qui s’indignent aujourd’hui de cette façon de faire de Ousmane Sonko ne sont nullement obligés de traiter ses points de presse sans commentaires ou même de les couvrir. De même que ces médias ne sont pas obligés de relayer systématiquement des propos qu’ils savent pourtant totalement faux. Quel est le professionnalisme médiatique de colporter des déclarations mensongères en s’interdisant tout acte de «facts checking» ? En prenant la responsabilité de relayer des informations qu’ils savent totalement mensongères sans pour autant les corriger, rectifier, les journalistes sont absolument complices de la forfaiture et de grossières manipulations de l’opinion. Chaque journaliste a pu compter plusieurs fois des mensonges et des manipulations orchestrées par Ousmane Sonko, comment peuvent-ils alors continuer à accorder le moindre crédit à ses dires ?
Le plus renversant dans tout cela est que ces médias et autres journalistes, qui montent sur leurs grands chevaux, ont vertement pourfendu leurs confrères et consœurs qui pouvaient se permettre de dénoncer par exemple les dérives ethniques et régionalistes de Ousmane Sonko.
Si cela peut nous consoler, ces nouvelles réactions et postures peuvent être le signal que les gens sont en train de se réveiller car «on ne peut pas tromper tout le peuple, tout le temps». Les médias réaliseraient-ils qu’ils ont plus à redouter de Ousmane Sonko que de tout autre acteur politique ? Le mépris ou le dépit est tel qu’il considère que «les réseaux sociaux sont plus importants que les médias».

La Société civile qui lui a tout passé, se retrouve dans sa ligne de mire
D’éminents leaders de la Société civile ont fait des sorties pour flétrir les dernières déclarations de Ousmane Sonko sur la situation au Mali et qui ont suscité la vive réaction des autorités militaires. Viendraient-ils de découvrir que Ousmane Sonko n’a jamais rien respecté ? N’avait-il pas déjà accusé le gouvernement du Sénégal et ses militaires d’épuration ethnique en Casamance sous le prétexte d’opérations de sécurisation ? On s’indigne maintenant que Ousmane Sonko s’en prenne à l’Armée nationale alors qu’il a toujours insulté la Justice, les magistrats, le président de la République, ses collègues députés, la police et la gendarmerie. Jamais cette Société civile effarouchée n’avait trouvé à objecter. Ousmane Sonko a insulté les autorités religieuses et coutumières et joué sur des fibres ethnicistes et régionalistes. Il a préconisé la remise en cause de l’intégrité du territoire national et a poussé le bouchon jusqu’à assumer les revendications de la rébellion armée sous l’égide du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), sans fâcher cette Société civile, le moins du monde. Qui ne peut se rappeler l’attitude de Ousmane Sonko devant le meurtre de quatre soldats et la prise d’otage de sept de leurs camarades par des éléments du Mfdc en janvier 2021 ? Ses partisans criaient à un complot fomenté pour justifier une opération militaire en Casamance ! Ousmane Sonko ne se démarquera jamais de cette forfaiture et quand on exigeait des condamnations de cette humiliation à notre Armée nationale et qu’on s’interrogeait sur certains liens troubles avec le Mfdc, ce sont les mêmes personnalités de la Société civile qui nous tançaient, demandant de ne pas mêler l’Armée ou la question casamançaise à ce qu’elles voulaient voir, avec une malhonnêteté déconcertante, comme des offensives politiques contre Ousmane Sonko. On peut s’amuser à relire certains tweets et autres publications, encore que ce sont ces mêmes personnalités qui jouaient aux Vrp de Ousmane Sonko avec le Président de Guinée Bissau, Umaro Sisoco Embalo, pour aider à étouffer l’affaire Adji Sarr. Ce sont les mêmes qui ont aidé à faire la jonction ou raffermir des liens avec des putschistes de Conakry et de Bamako qu’ils applaudissaient du reste en chœur.
Dans une autre posture, cette Société civile, plus d’une fois, a appelé à mettre de côté les lois de la République pour satisfaire aux desiderata de Ousmane Sonko comme l’enterrement de son dossier judiciaire avec la dame Adji Sarr ou encore tordre le cou aux lois électorales pour effacer les propres turpitudes et fautes de Ousmane Sonko et de son camp et leur permettre de participer à des élections. Ainsi, au nom d’une paix civile menacée par Ousmane Sonko, qui n’a de cesse d’appeler, publiquement, à la violence, à l’insurrection et à déloger le président de la République, la Société civile a préconisé en quelque sorte d’appliquer les lois selon la tête du client. Cette même Société civile qui parle de veiller sur le patrimoine foncier de l’Etat, n’a jamais cherché à fouiner dans les innombrables parcelles octroyées à Ousmane Sonko, aux cadres de son parti et pour le financement du syndicat qu’il dirigeait et jusqu’à son actuel parti Pastef. Pourtant, des médias ont publié des titres de propriétés indûment octroyés dans ces opérations de prédation foncière.
Au demeurant, le déchaînement de violences, diatribes et insanités contre les personnalités, qui ont eu le toupet de commettre le crime de lèse-majesté en cherchant à remettre Ousmane Sonko à sa place, leur aura certainement montré qu’ils ont en face d’eux une bande de voyous qui sont dans une position de chercher à braquer la République. La Société civile semble connaître le sort de l’arroseur arrosé.

Quand des leaders féministes supplient Anna Diamanka de rester stoïque devant les violences conjugales
L’affaire Adji Sarr aura surtout ruiné le combat, de toute une vie, de femmes qui portaient en bandoulière la défense des droits de la femme. Elles sont nombreuses à avoir détourné le regard et s’être bouchées les oreilles pour éviter soigneusement de prendre en charge le combat de cette pauvre femme presque abandonnée à elle-même. Sans l’écouter, l’entendre et l’approcher, des féministes, qui ont fait leur réputation sur le registre des droits des femmes, ont traité Adji Sarr de menteuse, d’affabulatrice, de comploteuse. Une telle attitude est sans doute commode pour s’épargner des insultes et d’être pris à partie par la meute du leader de Pastef. Mais on a aussi vu des féministes, jusqu’au bout des ongles, travailler à sauver le ménage de Ousmane Sonko avec Anna Diamanka, qui est victime de graves violences conjugales répétées. Elles demandaient à l’épouse éplorée de rester stoïque, résiliente et de demeurer dans son foyer comme «une bonne épouse», d’autant que son homme serait promis à un avenir grandiose. Anna Diamanka rit encore de l’une d’elles, députée de son état et qui participait à lui prodiguer des conseils pareils avec toujours une cigarette à la main. On ne peut pas être plus émancipé des codes sociétaux sénégalais pour qu’une femme grille une clope en public. Quelles marches ou manifestations ces bonnes dames n’avaient-elles pas organisées dans ce pays pour dénoncer des violences conjugales ? Une amie, espiègle, qui a des fréquentations dans le milieu, me faisait remarquer : «Quel combat pour le féminisme ou le droit des femmes quand on appelle ses domestiques avec une cloche ?»

Gabrielle Kane a raison, l’Etat du Sénégal s’est montré lâche !
On ose espérer que l’activiste Gabrielle Kane aura réussi, grâce à sa sortie de la semaine dernière dans le journal Source A, à secouer les autorités de l’Etat du Sénégal pour qu’elles daignent s’occuper du traitement judiciaire de l’affaire Adji Sarr. Oui, Mme Gabrielle Kane a raison quand elle parle de lâcheté et de couardise de l’Etat du Sénégal qui ne prend pas les dispositions nécessaires pour faire comparaître l’auteur présumé des viols répétitifs et sévices sexuels, alors que tous les autres protagonistes ont, depuis belle lurette, fini d’être entendus par le magistrat instructeur ! Cette situation est d’autant plus inacceptable que Ousmane Sonko continue de braver la Justice et de violer (sans aucun jeu de mots) allégrement les conditions fixées par le juge lors de sa mise sous contrôle judiciaire en mars 2021. Quid de ces opposants qui découvrent sur le tard les travers de Ousmane Sonko pour dénoncer son cynisme et lui enjoignent de respecter les institutions de la République. Ils ont pu expérimenter que Pastef et ses sbires utilisent contre les opposants les mêmes armes de l’injure, de la calomnie, de la manipulation, de l’intimidation et des menaces, que contre le camp du Président Macky Sall. Finalement, tout le monde a fini de mesurer le risque d’avoir un fascisant de cette trempe à la tête du Sénégal ! Il n’est jamais trop tard !

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