Réduire le nombre des députés de la diaspora [par Madiambale Diagne]

par wassare news
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Quand ce pays retournera-t-il au travail ?
Le corps électoral est convoqué pour les élections législatives, le 31 juillet 2022. Le Président Macky Sall tient ainsi à faire respecter scrupuleusement le calendrier électoral et du coup, il fait taire toutes les craintes ou appréhensions d’une volonté de son régime de ne pas tenir à bonne date lesdites élections. Les multiples reports des élections locales, tenues finalement le 23 janvier 2022, ont pu faire craindre des conséquences néfastes sur le calendrier politique. Le Sénégal va donc retourner en campagne électorale car les préparatifs de scrutins politiques ont toujours une prégnance sur toutes les activités du pays. Déjà qu’en vérité, plus personne ne travaille au Sénégal, en tout cas pour ce qui concerne l’Etat et ses démembrements. Les dernières élections locales du 23 janvier 2022 avaient occupé le pays depuis pratiquement la date de convocation du collège électoral, avec la confection des listes et les actions de mobilisation des électeurs et de propagande, ainsi que les activités liées au processus électoral. A l’issue de ces élections, les esprits sont occupés par les différentes cérémonies d’installation des conseils municipaux et des nouveaux maires élus au suffrage direct. C’est la fête partout et cela, dans la foulée de la grandiose célébration de la victoire, le 6 février 2022, de l’Equipe nationale de football du Sénégal à la Coupe d’Afrique des nations organisée au Cameroun. Le trophée va visiter toutes les 14 régions, la liesse populaire qui sera observée ne laissera pas de place au travail, à chaque fois que la caravane de présentation du trophée sillonnera une région. En outre, les atermoiements du Président Macky Sall à nommer un nouveau Premier ministre et un gouvernement, renforcent cette ambiance de laisser-aller et de farniente dans les services publics. Selon toute vraisemblance, la nouvelle équipe gouvernementale devrait être installée en fin de semaine prochaine mais, pour autant, il resterait encore que les esprits ne seront toujours pas au travail. Sitôt installé, le nouveau gouvernement va devoir travailler d’arrache-pied à organiser de nouvelles élections nationales.

Les inévitables controverses liées aux prochaines élections législatives

Le ministre en charge des élections aura à fixer, conformément au Code électoral, 150 jours avant la date du scrutin, le montant des cautions exigées pour chaque liste de candidats aux élections législatives. Le ministre de l’Intérieur (s’il reste toujours en charge des élections à l’issue de l’imminent remaniement gouvernemental) devrait alors entamer des consultations ou concertations pour tenter de s’accorder sur une telle caution qui, faudrait-il le rappeler, était fixée à 15 millions de francs Cfa pour les élections législatives du 30 juillet 2017. La problématique de la caution financière a toujours fait débat car d’aucuns y voient un moyen d’instaurer une démocratie censitaire. D’expérience, on sait que la classe politique arrive très rarement à se mettre d’accord sur les conditions d’organisation des élections, seulement le préalable de discussions est nécessaire avant que le chef de l’Etat n’arrive à faire ses arbitrages définitifs.
Quand on mesure les passions que suscitent habituellement des élections au Sénégal, on peut augurer que les prochaines élections législatives seront davantage disputées. L’opposition, ragaillardie par de bons résultats dans certaines grandes localités, voudra surfer sur cette dynamique pour chercher à rafler un grand nombre de circonscriptions. Pour ce faire, elle ne manquera pas de se montrer intransigeante sur les conditions d’organisation du scrutin. Il sera sans doute malvenu de porter de nouvelles accusations contre le fichier électoral ou le processus d’organisation des élections mais il n’en demeure pas moins que des questions, comme le système du parrainage citoyen fixé par le code électoral, seront à nouveau soulevées. Pour les élections législatives, un nombre de parrainages par des électeurs représentant au minimum 0,5% et au maximum 0,8% du fichier électoral est exigé de chaque liste de candidats qui aspire participer à la compétition. Le système du parrainage citoyen avait été déploré par de nombreux acteurs politiques lors de la Présidentielle de 2019 et des juridictions internationales avaient même été saisies en vue de sa suppression. L’opposition ne manquera pas de revenir à la charge mais quelle proposition de réforme ferait-elle ? Au demeurant, le filtre que constitue un système de parrainage s’avère nécessaire pour empêcher la floraison de listes de candidatures dont des plus fantaisistes. On avait observé, aux élections législatives de 2017, que quelque 47 listes étaient en compétition et en définitive pas plus du quart d’entre elles n’avaient pu obtenir un siège de député. La mise en œuvre du parrainage citoyen fera sans doute l’objet de débats âpres. L’expérience de l’élection présidentielle de 2019, à l’occasion de laquelle il avait été appliqué pour la première fois, a révélé les difficultés du Conseil constitutionnel pour réaliser le travail de contrôle des parrainages ; un travail pour lequel cette haute juridiction n’a pas été préparée. Ne faudrait-il pas laisser le soin à l’Administration, en charge de l’organisation matérielle du scrutin, d’assurer ce travail pour le compte et sous le contrôle du Conseil constitutionnel ? L’opposition manifestera de sérieuses réserves pour cela, surtout qu’elle n’a de cesse à chaque fois d’accuser, à tort ou à raison, l’Administration d’être à la solde du pouvoir en place. Il reste qu’à titre d’exemple, les paiements des cautions exigées pour les différents types d’élections sont effectués au niveau de la Caisse de dépôts et de consignation et les quittances délivrées font toujours foi dans les déclarations de candidatures.

La nécessité de remettre en cause les 15 députés de la diaspora

Le nombre de députés (165) pourrait-il être revu à la hausse pour arriver à garder le ratio d’un député pour 100 mille habitants ? Les enquêtes démographiques l’indiqueraient mais le contexte de crise économique et sociale ne devrait pas permettre d’accroître les charges de fonctionnement des institutions publiques. Toutefois, la clef de répartition des sièges entre les différentes circonscriptions électorales devrait être revue. Il semble absurde par exemple qu’une circonscription comme le département de Thiès ne dispose que de deux députés élus sur la liste majoritaire alors que d’autres circonscriptions, moins peuplées, font élire chacune quatre à cinq députés sur la liste majoritaire. Thiès qui élisait 4 députés sur la liste majoritaire avait été «puni» par le régime du Président Abdoulaye Wade qui cherchait ainsi à réduire les opportunités de gagner des sièges de députés par le parti Rewmi de Idrissa Seck qu’il avait dans sa ligne de mire tandis qu’une circonscription comme Mbacké, qui a le même électorat (360 000), s’était vu allouer un quota de cinq députés sur la liste majoritaire. Dans le même temps, on retiendra que sur les 105 députés élus au scrutin majoritaire, 15 d’entre eux sont des députés représentant les Sénégalais de l’Extérieur élus par huit circonscriptions dont deux en Europe, quatre en Afrique, une en Asie-Moyen Orient et une autre en Amérique et Océanie. Seulement, le fichier électoral indique que les électeurs sénégalais basés à l’étranger sont au nombre de quelque 206 mille et que lors des différentes élections, seule la moitié d’entre eux ont pu exercer leur devoir citoyen. Alors on voit bien que 100 mille électeurs arrivent ainsi à élire 15 députés, ce qui représenterait simplement deux députés sur la liste proportionnelle, quand on prend en compte le coefficient électoral de 55 mille électeurs enregistré aux élections législatives de 2017. C’est dire que l’équité politique devrait commander de revoir le quota des députés de la diaspora car on ne saurait faire la part belle aux Sénégalais de l’Extérieur sur le seul critère des facilités pour telle ou telle famille politique à rafler leurs suffrages ou sur la base de leurs indéniables contributions au développement économique et social. Au surplus, on peut considérer que les avis et opinions des Sénégalais de la diaspora impactent les votes de leurs proches restés au pays. A titre d’exemple, en France, sur un total de 577 députés, seuls 11 sont élus pour représenter les Français de l’étranger avec un corps électoral de plus de 2 millions de personnes. Franchement un total de 6 députés pour les Sénégalais de l’extérieur devrait largement suffire pour assurer leur représentation à l’Assemblée nationale !
Toutes ces formalités ou réformes indispensables pour le prochain scrutin devront être entreprises en vue d’améliorer davantage le processus électoral alors que le temps presse. Il s’y ajoute que les règles communautaires dans l’espace de la Cedeao proscrivent d’entreprendre des réformes touchant le processus électoral à moins de six mois de l’échéance. Ainsi, devrait-on, en toute connaissance de cause, aller aux élections législatives malgré ces imperfections ou devrait-on les corriger ? Il est de la responsabilité du gouvernement d’organiser, sans désemparer, des discussions sur ces différentes questions afin que la classe politique s’accorde sur ce qu’il y aura lieu de faire.

Macky Sall a déjà pu tenir des élections primaires dans son propre camp

On a pu assister à une floraison de listes de candidatures lors des dernières élections locales. Le phénomène a été si commun que dans le camp présidentiel, de multiples listes ont émergé de la coalition Benno bokk yaakaar (Bby). De nombreux leaders politiques, qui n’avaient pas pu obtenir l’investiture de Bby dans leur fief politique, ont pu tenter l’aventure avec des listes parallèles. Les fortunes sont diverses. Mais au final, on retient que la compétition a pu permettre de révéler les forces des uns et des autres. Le Président Macky Sall devrait, sur cette base, pouvoir procéder plus facilement aux investitures des candidats aux élections législatives car les électeurs ont fini de trancher les disputes de leadership. Ainsi, il n’y aura plus de place à l’inconnu, on connaît les forces et faiblesses des uns et des autres. L’intérêt restera toujours d’arriver à calmer les aspérités et autres querelles pour réunir les forces car un simple exercice d’arithmétique indique que l’unité des forces au sein du camp présidentiel devrait lui permettre d’engranger une majorité confortable aux prochaines élections législatives. Il reste que le symbole d’avoir perdu dans certaines grandes circonscriptions demeurera et pourra entraîner une dynamique favorable à l’opposition. Mais il appartiendra assurément au Président Sall de faire preuve de dextérité dans ses choix et surtout d’esprit de dialogue pour pacifier les querelles fratricides. On pourrait, dans les mêmes proportions, dire que les dernières élections locales ont aussi pu servir de baromètre pour l’opposition. Les forces des coteries politiques de l’opposition ont pu s’évaluer pour pouvoir déterminer de manière certaine l’hégémonie de quelles forces dans quelles localités.
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