J’ai eu l’occasion de faire une visite guidée du Train express régional (Ter), qui sera mis en circulation le 27 décembre 2021. Frédéric Bardenet, chargé de coordonner la mise en exploitation de cette nouvelle infrastructure de transport urbain, assure que tout est au point et que le Président Macky Sall pourra lancer le top départ de l’exploitation du Ter. La Seter (Société d’exploitation du Ter) prévoit néanmoins de laisser les Dakarois découvrir le Ter pendant 15 jours, avant l’exploitation commerciale. Un programme «Sargal» (Ndlr : Bienvenue) est mis en place pour permettre à des enfants des écoles des zones desservies par le Ter, associations de femmes, de jeunes, des individus qui se sont inscrits en masse au niveau des différentes gares, de pouvoir voyager à bord du Ter, pour le découvrir et se l’approprier.
Le Train express régional en chiffres
Le Ter va desservir, dans sa première phase, un itinéraire allant de la gare de Dakar à une nouvelle gare installée dans la ville de Diamniadio, soit un trajet de quelque 36 kilomètres. Une deuxième phase est prévue et devra pousser la ligne jusqu’au nouvel aéroport Blaise Diagne de Diass (Aibd). Le Ter devra donc desservir Aibd, en décembre 2023. Une autre phase prévoit son prolongement jusqu’aux villes de Mbour et Thiès. En attendant, une connexion avec le Petit train Bleu (Ptb) à partir de Diamniadio permettra aux voyageurs, entre Dakar et Thiès, de pouvoir faire tout le trajet par voie ferroviaire. 15 rames de trains sont déjà en place et sept autres s’ajouteront aux matériels roulants, en vue de desservir Aibd. Le Ter fonctionne en bi-mode, électrique et thermique.
Le Ter représente ce qu’il y a de plus moderne, en matière de technologies et d’équipements ferroviaires. Avant même la mise en circulation, le transfert de compétences a déjà été effectif sur plus de 97% des postes occupés par quelque 950 employés directs. Les activités connexes du Ter devront employer plus de 2000 autres personnes. Le Ter va transporter 115 mille voyageurs par jour. Le ticket commun du transport sur tout le long du trajet, coûtera au total 1500 francs et le ticket en première classe, 2500 francs. Le ticket pour chacun des trois tronçons prévus, sera de 500 francs. Il faut dire que les responsables de la Seter avaient voulu fixer le prix à 700 francs, mais le Président Macky Sall s’est mis en avant pour arbitrer le prix à 500 francs, afin de garder le mieux possible, le cachet populaire de l’infrastructure. L’objectif du Ter, à la suite de l’autoroute à péage ainsi que du prolongement de la Voie de dégagement Nord (Vdn), est de décongestionner le transport urbain à Dakar et sa banlieue. Mieux, la mise en service d’un autre maillon, que constituera le projet Bus-transit-rapide (Brt), devra parachever cet objectif. Il y aura un train toutes les 10 minutes, de 5h 30 à 20h, et un train toutes les 20 minutes, la nuit, jusqu’à 22h. La même fréquence des trains toutes les 20mn, sera de mise durant les journées de dimanche.
Ainsi, Dakar va se positionner comme la ville d’Afrique de l’Ouest où le casse-tête de la circulation aura été mieux résolu. La capitale économique de la Côte d’Ivoire, Abidjan, s’y essaie depuis plusieurs décennies. La Côte d’Ivoire avait déjà étudié un projet de Train urbain d’Abidjan, depuis 1978. Le projet avait été repris en 2013 et devra être terminé en Décembre 2025, soit 12 ans de gestation. «Le projet du Ter de Dakar a été lancé en 2014, sans aucune étude préalable et on voit qu’il est entièrement livré en 2021», précise Fréderic Bardenet. Quand on lui fait remarquer que les Ivoiriens sont sans doute plus patients que les Sénégalais, il répond par un pudique haussement d’épaules. La Côte d’Ivoire ne semble pas vouloir perdre la face devant le Sénégal. Une petite anecdote qui fait sourire les cadres de la Société nationale française des chemins de fer (Sncf), exploitant des deux sociétés, est que, quand le Président Macky Sall avait emprunté une rame du Ter de Dakar en janvier 2019, le Train urbain d’Abidjan a alors automatiquement changé de nom pour s’appeler désormais «Métro d’Abidjan».
La mise en exploitation du Ter aurait pu démarrer bien plus tôt, mais de nombreux ratés ont eu à plomber le calendrier. On aura noté que de nombreuses entreprises, notamment sénégalaises, en charge d’importants lots de chantiers, n’ont pas pu les terminer dans les délais impartis. D’ailleurs, l’Etat du Sénégal a été obligé, d’autorité, de leur retirer les travaux pour les confier à des entreprises turques par exemple. D’autres difficultés étaient apparues, comme par exemple une forte pluviométrie, qui avait engorgé des sites où les travaux d’assainissement avaient également accusé du retard. Il s’ajoute à tout cela, les rebuffades de certains impactés, qui avaient voulu surenchérir quant au niveau des compensations financières qui leur avaient été allouées. Aussi, la communication sur des délais de démarrage impossibles, n’a pas manqué de ternir l’image du projet du Ter. Le gouvernement n’avait pas non plus réussi à trouver l’argumentaire pour assumer et expliquer de manière claire les choses, pour dissiper les objections liées au coût du projet.
On ne va pas faire dans la fausse modestie, nous avions cru en ces rêves «fous» de Macky Sall !
Un groupe de députés avaient eu à visiter le Ter, la semaine dernière. Un député de l’opposition, toujours assez virulent dans ses propos, n’a pas pu s’empêcher d’avouer : «On ne pouvait pas penser que c’était comme ça !» Pour autant, va-t-il se féliciter en public de cette réalisation ? Rien n’est moins sûr. Par contre, Le Quotidien, qui avait le toupet de croire en ce projet, peut s’en féliciter. Le lundi 22 Décembre 2013, à l’annonce du projet du Ter, le journal barrait sa «Une» du titre : «Macky en train de rêves.» Dans une chronique parue le même jour, intitulée «Ablaay tëli, Maky saxaar», nous soulignions : «Le mérite de Abdoulaye Wade aura été de montrer la voie. Ainsi, un proche collaborateur du Président Macky Sall assurait que «Macky Sall fera autant en logements sociaux, que tout ce que Abdoulaye Wade a réalisé en termes d’infrastructures routières». Pour autant, le Président Sall ne va pas abandonner la poursuite des chantiers routiers commencés par son prédécesseur. La route de la Vdn devra longer la côte pour desservir Cambérène, Guédiawaye, Malika, Lac Rose et au-delà. L’autoroute à péage devra aller au-delà de l’aéroport de Diass et un autre tronçon devra conduire les automobilistes jusqu’à Thiès ; d’où partira une nouvelle autoroute, qui mènera jusqu’à Touba. Mais, le chef de l’Etat vient de s’engager à mettre une nouvelle corde à son arc. Macky Sall vient de se fixer un nouvel objectif de gouvernement, c’est la réalisation de nouvelles infrastructures ferroviaires. Il voudrait bien faire siffler les trains, en enfilant une tenue de cheminot. Ainsi, compte-t-il mettre en service une nouveauté, un tramway pour desservir la banlieue. Son prédécesseur avait déjà évoqué l’idée. Aussi, en vue d’une bonne desserte de l’aéroport Blaise Diagne, dont l’’exploitation devait commencer en 2015, le Président Sall voudrait-il mettre en service un Train rapide. Il ne voudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Compte-t-il également ressusciter la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako ? Macky Sall semble ne pas vouloir sur ce projet, s’inscrire dans une logique d’une réalisation qui demanderait un quart de siècle de travaux et qui engloutirait toutes les ressources du pays». Force est de dire que, quand nous écrivions ces lignes en 2013, ils étaient nombreux à nous insulter et rire de notre naïveté de croire en de telles chimères. Il y’en a même qui ont eu l’audace de dire que, le jour où le Ter sifflera à Dakar, ils changeront de patronyme !
Aujourd’hui, la Vdn est arrivée au-delà de Keur Massar, l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, qui s’était arrêtée à hauteur de l’actuel Dakar Arena au moment du départ de Président Wade du pouvoir, est arrivée à Mbour et la réalisation d’un autre tronçon devant mener jusqu’à Kaolack, a débuté. L’autoroute «Ila Touba» a fini de convaincre ses usagers. L’idée du tramway pour la banlieue a été abandonnée et remplacée par le Brt, qui devra commencer ses dessertes en 2022. L’autoroute Dakar-Saint Louis va être lancée sur financement américain et le train Dakar-Tamba sera réhabilité par le Canada.
Saurons-nous préserver ces réalisations ?
Faire des réalisations est une chose, mais les préserver, les conserver et les entretenir, sont une autre chose. Il semblerait que l’homo-senegalensis pécherait dans l’entretien des infrastructures publiques, jusqu’à chercher à les casser pour exprimer sa colère ou son opposition à un homme politique. On ne peut pas ne pas relever la bêtise de jeunes qui avaient, au sortir d’un match de Navétanes, caillassé une rame du Ter, à l’essai à Rufisque. Les dégâts (une vitre cassée et des impacts de projectiles sur la carrosserie) auraient pu être plus graves, si le conducteur n’avait pas appuyé sur l’accélérateur.
Mais, il y a d’autres travers contre lesquels les responsables du Ter devront lutter, pour ne pas précipiter la dégradation du matériel ou lui ôter sa modernité. Ce seront assurément le respect strict des horaires des trains, mais surtout les conditions de voyage. Un débat occupe les exploitants du Ter, quant à la façon de traiter certains types de voyageurs. En effet, une enquête de clientèle a révélé que de nombreux voyageurs rechignent déjà à l’idée de devoir s’asseoir à côté d’un voyageur vêtu d’une tenue crasseuse et qui pourrait salir les sièges, ou qu’un voyageur entre dans les voitures avec des paniers de poissons qui suintent de partout. Nous nous rappelions qu’à la mise en service de l’Aibd, ils étaient nombreux, nos compatriotes, qui nous soulignaient qu’il faut éviter à tout prix que les travers sénégalais de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar ne se retrouvent à l’Aibd. Après quelques années d’activité, on voit que l’Aibd est aseptisé de certains maux, bien que des efforts restent à faire. Une ville comme Dubaï interdit catégoriquement qu’on mange ou boive dans les rames de son métro, jusqu’à prohiber qu’on y mâche du chewing-gum, dans le seul souci de préserver l’outil public. Nos compatriotes, qui ont l’occasion de visiter cette ville, se conforment bien à ces règles !
Une solution serait que le Ter fournisse des survêtements aux voyageurs, dont le port pourrait incommoder les autres voyageurs ou salir les sièges, ou encore de proposer un emballage étanche pour les paniers de poissons par exemple. Ces solutions apparaissent on ne peut plus démagogiques. La consigne devrait être de refuser l’accès des trains à ces personnes. Mais, il est certain que les responsables de la Sncf se garderont de mettre en avant une telle politique, pour sans doute éviter de se faire accuser de racisme ou d’on ne sait quelle autre ignominie.
Il appartiendra donc à la Gendarmerie, dont plus de 260 éléments sont déployés pour la sécurité exclusive du Ter, de faire preuve de fermeté dans ses missions.