Joe Biden et Xi Jinping ont effectué, lundi 15 novembre au soir pour le premier, mardi midi pour le second à cause du décalage horaire, un sommet virtuel très attendu, le président américain soulignant le besoin de « garde-fous » pour éviter « un conflit » entre les deux pays et le président chinois plaidant pour une meilleure « communication ».
Xi Jinping et Joe Biden se connaissent depuis longtemps, rapporte notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Les deux hommes n’étaient pas encore au sommet du pouvoir, mais ils passaient des heures à parler lors des voyages de Joe Biden en Chine, alors qu’il était membre du Congrès.
Ils ont donc pris le temps à nouveau – près de quatre heures –, mais le numéro un chinois a beau saluer son « vieil ami », un qualificatif que Joe Biden démentait dès le mois de juin, les relations personnelles ne pèsent pas vraiment lourd face aux intérêts de deux grandes puissances rivales.
Comme les thérapies de couple, il faut souvent plusieurs séances avant de retrouver des points d’accord, relate notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. La presse d’État chinoise s’est empressée de rapporter les sourires échangés en préambule de cette rencontre, dans un décor solennel, cheminée de la Maison Blanche côté américain, peinture traditionnelle sur un mur du Grand palais du peuple côté chinois, qui contraste avec le ton presque badin des retrouvailles.
Le président américain a donc lancé une discussion ouverte et franche sur ce qui ne va pas, selon lui, dans l’attitude chinoise, comme les divergences profondes sur la question de Taïwan, les droits de l’homme au Xinjiang et la militarisation de la mer de Chine méridionale.
Chacune des parties a conscience qu’un dérapage militaire dans les mers de Chine entraînerait une catastrophe. « Chine et États-Unis doivent se respecter et coexister en paix », a souligné Xi Jinping, dont l’élévation du statut au sein du Parti communiste chinois a accéléré la rencontre, le numéro un chinois étant désormais plus que décisionnaire dans les futurs choix stratégiques de son pays.
Joe Biden a exprimé ses « préoccupations » à propos des droits humains en Chine et a lancé une mise en garde concernant Taïwan, selon un communiqué de la Maison Blanche mardi. Le président américain a exprimé ses « préoccupations à propos des pratiques (de la Chine) au Xinjiang, au Tibet et à Hong Kong, et des droits humains en général ». Il a aussi indiqué que les États-Unis restent fidèles à la politique de la « Chine unique », et « s’opposent fermement » à toute tentative « unilatérale de changer le statu quo ou de porter atteinte à la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan », selon le texte publié à l’issue de la rencontre.
Vendredi dernier, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a rappelé avec force l’opposition de Pékin à l’indépendance de l’île. Des déclarations suivies, la veille du sommet, par des « exercices de bombardement dans les eaux au large de la province insulaire du sud de Hainan », comme le mentionne le communiqué de l’Armée populaire de libération. Le terme de « respect », que Pékin considérait comme entaché par les évolutions sémantiques récentes autour de « l’ambiguïté stratégique » américaine à l’égard de Taipei, a été évoqué à maintes reprises. Cette fois, « le président Joe Biden a rappelé, selon la Maison Blanche, que les États-Unis restaient attachés à la politique d’une seule Chine », autrement dit au statu quo. Tout en mettant en garde la Chine contre les « efforts unilatéraux pour changer le statu quo ou saper la paix et la stabilité dans le détroit de Taiwan ».
Cela fait beaucoup de désaccords, mais comme tout ne peut pas être négatif, il faut bien souligner ce qui peut être un point d’intérêt commun : le changement climatique, par exemple. Les deux pays ont créé la surprise à la COP26 en se mettant d’accord pour travailler ensemble sur le sujet.
Si ce troisième échange de l’année via écrans interposés entre Xi Jinping et Joe Biden n’a pas permis de gommer les différences, il améliore, selon la partie chinoise, « la compréhension mutuelle » entre les deux pays. Le mot « responsabilité » a été prononcé plusieurs fois : « Au cours des 50 prochaines années, la Chine et les États-Unis doivent trouver le moyen de s’entendre, c’est la chose la plus importante dans les relations internationales », a affirmé le numéro un chinois à la fin de l’échange. Et d’ajouter : « Tout ce qu’un responsable politique fait, qu’il s’agisse de mérites ou de fautes, est enregistré par l’Histoire ».